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C’est sans doute l’un des couples les plus irrésistibles du Festival « off » d’Avignon. Une sorte de duo qui serait sorti des Deschiens, la cruauté en moins, la tendresse et la candeur en plus. Impossible d’oublier Catherine Germain et Julien Cottereau après avoir assisté au Repas des gens, la nouvelle création de l’auteur et metteur en scène François Cervantes. Ces deux comédiens s’accordent à merveille pour nous convier à un dîner qui, derrière son apparence burlesque, fait jaillir un trésor d’humanité.
Robert, timide et taiseux, et sa femme, enjouée et bavarde, n’ont jamais quitté leur quartier et, comme beaucoup de gens, ne sont jamais allés au théâtre de leur vie. Un cousin éloigné, directeur d’une salle de spectacle, les y a invités après avoir dîné avec plaisir chez eux et constaté à quel point, alors qu’ils vivent dans la même ville, ils peuvent avoir un rapport au théâtre si opposé.
Le couple arrive sur scène, la démarche gauche, décontenancé par le lieu. Une table est dressée, digne de celle d’un restaurant. Découvrant les nombreux spectateurs, accueillis par – croient-ils – un serveur, qui s’avère être le régisseur (excellent Stephan Pastor), ils s’installent, à la fois surpris et émerveillés. « Votre silence est bouleversant. Vous écoutez tous les mots, regardez tous les gestes ? On vous prévient, notre façon de dîner n’a rien d’exceptionnel », dit l’épouse à l’attention du public.
S’ensuit un conte théâtral génial, mettant en scène deux candides, terriblement attachants, gagnés par l’euphorie d’être sur un plateau où tout les étonne : les pendrillons, les lumières et tous ces gens. « Ils nous écoutent, ils rient alors qu’on ne se connaît pas, ce sont des amours », se réjouit l’épouse. L’incongruité de la situation suscite un dialogue désopilant, et leur bonheur de vivre cette « drôle de soirée » devient immédiatement contagieux. Le Repas des gens, mise en abyme de la magie et des coulisses du théâtre, fait surgir la complicité avec le public dans un sentiment de communauté. De plus en plus à l’aise, grisé par le bon vin, ce couple ordinaire évoque les choses de la vie, les histoires de famille, dialogue avec le régisseur pour comprendre son métier ; ils découvrent un fantôme de leur passé et convient leur fille à partager ce moment suspendu.
Surtout, cette situation follement absurde et bien orchestrée fait éclater le talent de Catherine Germain (complice de longue date de la compagnie de François Cervantes) et de Julien Cottereau (clown-comédien). Maniant avec subtilité le mime et le jeu clownesque, maîtrisant les intonations, les regards, les petites manières, ces deux artistes dégagent autant de drôlerie que de poésie. Ils sont faits pour jouer ensemble. Incarnant des adultes qui savent encore s’émerveiller et partir à la découverte, ils renvoient aux spectateurs leur chance d’être dans un théâtre. C’est enchanteur, facétieux et terriblement humain !
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