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Pavel Durov, le fondateur de la plate-forme Telegram, doit notamment son interpellation par les autorités françaises, le 24 août, à la prolifération sur ses canaux d’images sexuelles d’exploitation de mineurs, prolifération surveillée par les enquêteurs du centre de lutte contre les criminalités numériques, l’unité d’élite de la gendarmerie en matière de lutte contre la cybercriminalité.
Le même type d’images, circulant sur la même plate-forme, et le même service d’enquête sont à l’origine d’un important procès pour trafic de ces contenus qui s’est ouvert lundi 23 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris.
En 2023, en usant de fausses identités, les gendarmes ont remonté des canaux comme « Zineb chat gang », « Ambigüe », « Vidéos2ados » ou « No Limit », et démantelé un réseau de « dealers » de « CP » – pour Child Pornography, l’appellation pour initiés de ces fichiers. Les éléments d’enquête, que Le Monde a pu consulter, offrent une plongée saisissante au cœur d’un engrenage, qui mène des hommes de tous âges, y compris adolescents, de la pornographie « ordinaire » jusqu’à la consommation d’images et de vidéos de viols d’enfants, achetées, revendues ou échangées sans jamais réfléchir à leurs conditions de production.
Le pire de ces canaux était peut-être « No limit », supermarché de l’extrême : iconographie nazie, vidéos de torture ou de meurtre, et surtout, donc, des contenus pédopornographiques. A la tête de ce fourre-tout de l’ultraviolence, un pseudonyme : « Vladimir Poutine », « Vlad » ou « Le Russe », qui gère une demi-douzaine de canaux similaires et gagne de l’argent avec son catalogue. Derrière ce pseudo se cache Romain F., arrêté en février chez sa mère, dans le Morbihan.
Cet homme de 39 ans, toxicomane et qui souffre de troubles psychiatriques, est multirécidiviste : il a déjà été mis en cause en 2022 et 2024 pour détention d’images pédopornographiques, ce qui ne l’a pas découragé. Devant les gendarmes, « Vlad », qui vit de l’allocation adulte handicapé, avouera être à l’origine d’une vingtaine de groupes Telegram. Son interrogatoire dresse le portrait d’une sorte de « hikikomori », du nom de ces adolescents japonais vivant reclus chez eux, concept ensuite importé en Europe. Phobique, Romain F. ne sort jamais de chez lui, consomme des doses massives de cannabis et passe sa journée à s’abrutir entre consoles, ordinateurs et téléphones.
Il admet sans difficulté vivre en partie de la revente, depuis 2020, de centaines de liens vers des « packs » de contenus pédopornographiques, vendus de 20 à 100 euros selon leur taille, qui lui auraient rapporté autour de 60 000 euros, dépensés pour l’essentiel « dans Uber Eats et les jeux vidéo », selon ses déclarations. En garde à vue, sa difficulté n’est pas tant de reconnaître les faits, que de se souvenir des trop nombreux groupes qu’il a lancés ou qu’il administre. D’après lui, son mobile n’est pas sexuel mais financier. Que pense-t-il du fait qu’autant de personnes lui achètent ces contenus ? « C’est choquant », répond-il. Malingre et reclus, « triste et dépressif », d’après sa mère, Romain F. devient sur Telegram un leader charismatique, dirigeant d’une main de fer le « KGB », l’équipe de modérateurs pour son canal principal, « No Limit », qui l’appellent « chef » dans leurs conversations.
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